FUNAKOSHI ET L'EMPIRE DU SOLEIL LEVANT “Le Karate Dō est une philosophie, une attitude devant, et un regard sur la vie et le monde…” Shomen Gichin Funakoshi
La contribution de
Funakoshi, fondateur du Karate Do.
Dans la plupart des dōjōs Shōtōkan en France et en Europe, le portrait de Maître
Funakoshi est accroché généralement au mur frontal, le Kamiza. Premier
style de karaté introduit en Europe par Henry Plée, le Shōtōkan a pris de
l'expansion. Ce style représente 75% des pratiquants en France. En sa
mémoire, le premier des saluts (Shomen ni rei) est effectué dans sa
direction.
Fils unique de Tominokashi Gisu,
il est né prématurément le 10 novembre 1869
dans
le district de Yamakawa-Chô, en la capitale
royale d'Okinawa, Shuri, pendant les premières années de la période de
restauration Meiji, au sein d'une famille peu aisée de la classe des
Shizoku. Il faut ici souligner que c'est en 1868, à partir de la fin du
Shogunat, que le statut de Samouraï changea radicalement. Le terme
Samouraï fut remplacé par celui de Shizoku, et il leur fut interdit
en 1876 de porter le sabre. Son père Gisu, un
fonctionnaire, était un grand et bel homme. Il était
expert en Bō-jutsu, un chanteur et danseur accompli, mais buvait
beaucoup trop. Il avait dilapidé toute la fortune de son propre père,
Gifuku. Persuadés que la vie du petit Gichin serait courte, ils l'ont
confié à ses grands parents paternels peu de temps après sa naissance. Son
grand père, qui est un érudit, aura une grande influence sur Funakoshi. Comme
beaucoup d'enfants de son âge, il pratiquait le tegumi, une sorte de lutte
sans coups frappés, où la règle est d'arriver à se dégager de la prise de
plusieurs autres enfants qui vous immobilisent au sol. Il était un garçon
peu robuste, et pas très doué pour ce jeu, un peu à cause de sa faible
constitution. Il a alors entendu parler du Shuri-te, par son maître
d' école, le fils de Azato Yasutsune. Il a alors demandé à son grand père
la permission d'apprendre cet art martial. Ce dernier a consenti, car il
pensait que cela serait bénéfique pour sa santé. À l'âge de 15 ans il
débute donc la pratique du Shuri-te sous la tutelle de maître Azato,
un des plus grands
experts d'Okinawa dont il sera
l'unique élève connu avec Osokun Chogo qui ne laissera pas de filiation.
La maison d'Azato était assez éloignée de celles de ses grands-parents
chez lesquels il vivait toujours, mais cette promenade nocturne avec sa
petite lanterne lui pesait de mois en moins. Après quelques années de
pratique. il remarqua que sa santé s'était grandement améliorée, et c'est
à cette période de ma vie qu' il décida de considérer cette pratique comme
un art de vivre. À cette époque la pratique se fait la nuit dehors, loin
des regards. Son apprentissage se déroule d'une façon traditionnelle pour
l'époque. Il s'agissait de se concentrer sur un seul exercice et de passer
au suivant uniquement lorsque le pratiquant était capable de le réaliser
parfaitement. L'apprentissage d'un kata pouvait ainsi durer plusieurs
années. Par la
suite il a étudié sous la surveillance de Maître Itosu, un ami de maître
Azato. C'est en
grande partie grâce à lui que nous est parvenue la tradition du Shuri-te,
l'école de Matsumura. La pédagogie
développée par Maître Itosu était largement inspirée des méthodes de
formation de l'armée japonaise elle-même axée sur la formation de masse,
en groupe, une révolution dans l'enseignement des arts martiaux à Okinawa.
L'influence de ces changements le marqueront profondément.
Itosu mourra en 1915, et aura formé les plus grands maîtres qui lui
succèderont à Okinawa: Funakoshi,Yabu,
Hanashiro, Kiyabu, Toyama, Kyan, Shiroma, Tokuda et Mabuni. C'est
vraiment avec Maître Itosu qu' a commencé l'aire de modernisation du
karate-dō.
Il
entreprendra alors des études littéraires, pour ensuite réussir le
concours de l'école normale pour devenir maître d'école. Pour cela, il a
du se couper les cheveux. Ses parents respectueux de la tradition, n'ont
pas du tout approuvé. Malgré tout, il débutera à l'âge de 21 ans comme
assistant dans une école primaire, métier qu' il j' exercera pendant plus
de 30 ans sur son île natale, tout en continuant de pratiquer ce
qu'il nommera plus tard le karate-dō . La vie est difficile car son
salaire n'est pas élevé, et il a sa famille à sa charge, parents,
beaux-parents, sa femme, leurs trois garçons et leur fille. C'est en 1902 qu' il fera
une démonstration aux hauts dignitaires de la province de Kagoshima. En
1906, il organise et participe à la première démonstration publique d’Okinawa-te
à laquelle assistent les autorités japonaises ainsi que des officiers de
la marine impériale qui sont fort impressionnés par cette prestation. Il
entretiendra, suite à cette démonstration, d’excellentes relations avec
les Japonais, et il se fera d’ailleurs toujours officiellement
photographier en costume traditionnel nippon. Ce qui lui valaient les
critiques de plusieurs maîtres qui jugeaient cette attitude avec mépris. Puis en 1912, le Shōbu Kai
d'Okinawa l'a délégué pour effectuer une démonstration devant la marine
Japonaise, ce qui lui vaudra d'être remarqué par l'amiral de la flotte
impériale en personne. Il est allé au Japon pour la première fois en 1917
pour faire une démonstration au Butokuden près du sanctuaire Heian de
Kyoto. Il yretournera cinq ans plus tard pour une deuxième démonstration
devant le ministre de l'Éducation nationale japonaise.
Pour l'occasion ils ont
porté un bandeau, un t-shirt blanc et le pantalon traditionnel. On peut
voir sur la photo que Funakoshi portait une veste blanche du même style
que l'uniforme du Ju-dō. Il était accompagné pour cet événement de
Miyagi Chojun, le fondateur du Gōju-ryū et de Shinko Matayoshi, un
expert Okinawaien de Shuri -Te et de Kobudu,le maniement des armes;Bo, Sai,
Kama , Eiku. Ce dernier l 'accompagnait aussi à Kyoto en 1916. La séduction de l'Empire du soleil
levant. Suite à la visite de
Hiro-Hito, l'année 1922 et sa deuxième visite au Japon fut un tournant
décisif. En mai 1922, le Ministère de l'Éducation finança la première
exhibition annuelle de sports athlétiques. Il n'était certes pas alors le
seul expert d'Okinawa-Te
capable de convaincre techniquement. Président de la « Okinawa
Shobu Kaï », association pour la promotion des arts martiaux d'Okinawa,
Funakoshi avait été choisi par ses pairs, comme étant celui qui aurait les
meilleures chances pour
introduire cet art martial à l'intérieur même du Japon. Fin lettré, homme
de culture, humaniste dans l'âme, au comportement distingué japonaise, il
a su présenter au Japon et à sa capitale,Tokyo, cet art issu des moeurs
ancestrales de sa patrie. C'est un vrai succès, le public acclame sa
représentation qui n'est rien d'autre qu'un kata, mais exécuté avec
beaucoup de puissance, de conviction et d'énergie.
Cependant, cette réussite fut par la
suite l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part des anciens d'
Okinawa,
refusant de livrer aux japonais l' essence de leur art, ou d'autres
experts venus après lui pour développer des styles concurrents du Shotokan.
Peu après, Maître Jigorō
Kanō qui occupe des fonctions très importantes au sein du Ministère de
l'Éducation, le priera de rester au Japon pour y faire connaître le karate.
Funakoshi accepte et, à 53 ans laisse sa femme, ses quatre enfants et son
travail à Okinawa pour diffuser avec passion le karate au Japon. En l'an 1922, sa première
école de karaté ouvre ses portes à Tokyo. C'est à cette époque également
que le nom de Okinawa-Te fut changé en celui de karate afin de
rompre la tradition chinoise face aux japonais. Les premières années de
diffusion seront particulièrement ardues il vivait dans une grande
pauvreté. Le karate est complètement inconnu au Japon et peu de
personnes s'y intéressent. Au début, Funakoshi a été obligé de prendre des
emplois complémentaires comme gardien de jardins et même comme balayeur
dans une cité universitaire à Tokyo. Il a même persuadé le cuisinier de la
cité universitaire de prendre des cours de karaté en échange d’une
réduction de sa note de nourriture mensuelle. Il fut rapidement confronté
à un état d'esprit pour lequel il n'était pas prêt : le Japon, alors avide
de modernité, avait tourné le dos aux côtés traditionnels de ses propres
arts martiaux, et les jeunes générations de pratiquants n'y voyaient plus
que des activités à caractère sportif menant à la compétition. Il a du
établir un enseignement plus conforme aux aspirations des jeunes japonais.
Ces derniers ne voyaient qu' inutilité et perte de temps dans le respect
des méthodes d'entraînement venues d'Okinawa: concentration sur un
seul kata, et application pratique des techniques avec interdiction de
combat sportif. C'est ainsi qu' il a retenu parmi tous les katas
d'Okinawa, du Shorin-Ryu et du Shorei-Ryu, 15 katas pour étalonner la
progression de ses élèves : les 5 Heian, les 3 Tekki, Bassaï-daï,
Kanku-daï ; Hangetsu, Enpi, Jiin, Jitte et Gankaku. Ce sont ces 15 katas
décrits d'ailleurs dans son ouvrage Karate-dō Nyūmon paru en 1935,
avec des noms japonisés pour les faire accepter plus facilement, alors que
d'autres, présents dans son premier ouvrage de 1922, Ryūkyū kempō:
Karate, ont été abandonnés (Kokan, Niseihi, Sanseru, Wankuwan). Au bout de deux ou trois ans, le nombre d'élèves commence à augmenter, particulièrement dans le milieu étudiant. Il enseigne d'abord à un groupe de peintres du Tabata Popular Club, puis ensuite au Meisu Juku, un dortoir pour étudiants d'Okinawa, situé à Tokyo qui comprenait une salle d'à peine 40 m². Ce n'est que plus tard qu' il partagera le dōjō de Hakudo Nakayama, un maître de Kendō.
À partir de 1924, il enseignera dans plusieurs universités incluant Keiō, Tōkyō, Takushoku, Hitotsubashi, Waseda, Hosei, Chuō, Senshu et le Nippon Medical College. C'est une des périodes la plus heureuse de sa vie. C'est aussi à cette époque qu'il changera la signification du mot Tō-de "mains ou technique de Chine" pour Karate-dō "la voie des mains vides", le mot vide se referant au Zen japonais.
Ici débute une période très sombre pour Funakoshi, son fils meurt de la tuberculose, et le dōjō est complètement détruit lors d'un raid aérien Américain en 1945. Les meilleurs pratiquants sont dispersés dans les unités combattantes. Plusieurs civils d' Okinawa, dont son épouse qui voulaient rester sur l' île pour pour continuer à honorer les tombes et les autels des ancêtres, furent évacués vers le Japon par les troupes américaines. Deux ans après leur réunion, sa femme meurt à l'automne 1947. Ce décès l'a grandement affecté. Ce n'est qu'en 1948 que fut levé l'interdit imposé par les forces américaines d'occupation sur la pratique des arts martiaux. Funakoshi recommence à enseigner à Keio et à Waseda malgré son âge avancé (78 ans). Mais son temps était passé. Dès 1949, les derniers Sempai de Funakoshi créent la JKA sous la direction d' Obata Isao. Le nouveau Shotokan fut établi dans le quartier de Yotsuya, à Suidobashi, dans les locaux du vieux Kodokan. Funakoshi ne fut plus qu'une image de marque, un symbole, un vieil homme respecté, mais écarté sur le plan technique. Mémorial Funakoshi. Gichin Funakoshi est décédé le 26 avril 1957, à l'âge de 88 ans. Un grand mémorial public a été tenu à Ryogoku Kokugikan (Ryogoku National Sumo Hall), occupé par plus de 20 000 personnes, y compris beaucoup de célébrités venues témoigner leur respect. Quelques jours avant sa mort il fabriquait encore de ses mains un makiwara, sur lequel il comptait s’entraîner. Il l’essaya devant deux ou trois de ses disciples. Fidèle à son habitude, il demeurait très droit, l’épaule dénudée et chaussé de getas, des sandales en bois à hauts talons. À chacune de ses frappes, le makiwara touchait le mur provoquant un sourd ébranlement dans tout le bâtiment. On raconte qu'il fit encore quelques mouvements de bras, sur son lit de mort; " C’est étrange, ce matin je sens réellement tsuki (le poing). Un poing, une vie... ! ". Quelques heures plus tard il perdit connaissance et mourut paisiblement. Shomen Funakoshi alla rejoindre sa femme, souhaitons le en un monde où le vent souffle doucement sur les aiguilles des branches de pin.C’est en rappel de ce fait et pour lui rendre un dernier hommage que toutes les versions de son dernier ouvrage "Karatedō Kyōhan" comportent une annexe sur la fabrication du makiwara... Mais il est probable que Funakoshi aurait préféré l’un de ses derniers poèmes signé Shoto...
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